Dans notre deuxième épisode, nous explorons le modèle d'investissement révolutionnaire du Fonds Égalité, qui fusionne l'investissement et l'activisme pour alimenter les mouvements féministes. Jess Tomlin et ses invitées Manisha Mehta, Rajasvini Bhansali, Keely Tongate et Mebrat Beyene discutent des défis liés à l'augmentation des ressources et des risques liés à l'étranglement des bailleurs de fonds. Du processus d'appel d'offres à la décision finale lors de Women Deliver 2019, nous examinons comment le déplacement des capitaux et du pouvoir peut entraîner un changement durable pour les mouvements fondés sur les droits.
Dans notre deuxième épisode, nous explorons le modèle d'investissement révolutionnaire du Fonds Égalité, qui fusionne l'investissement et l'activisme pour alimenter les mouvements féministes. Jess Tomlin et ses invitées Manisha Mehta, Rajasvini Bhansali, Keely Tongate et Mebrat Beyene discutent des défis liés à l'augmentation des ressources et des risques liés à l'étranglement des bailleurs de fonds. Du processus d'appel d'offres à la décision finale lors de Women Deliver 2019, nous examinons comment le déplacement des capitaux et du pouvoir peut entraîner un changement durable pour les mouvements fondés sur les droits.
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Crédits :
Maquette - Kamo Frank, @kamofrank_
Productrice - Katie Jensen, @vocalfrystudios
Équipe du Fonds Égalité - Amina Doherty, Tatiana Buba, Sarah Matsushita, Catherine Hodgson, Nicole Fischer, and Joe Voeller
Dans cet épisode...
Mebrat Beyene remarque : Il est très facile que la dérive de la mission et de la vision se produise lorsque autant de revenus et de ressources sont en jeu.
Le modèle du fonds Égalité, l’investissement dans une optique de genre.... il y a une façon différente de travailler avec la communauté... Il est donc essentiel d'écouter attentivement les préoccupations liées à un possible décalage de valeurs, de garantir que toutes les personnes soient incluses et que leurs voix soient prises en compte dans toutes nos démarches.
Il s’agit du deuxième épisode de notre série en trois parties intitulée Moonshot : La création du Fonds Égalité.
Nous nous sommes arrêtés en 2018, avec un montant monumental de 300 millions de dollars à disposition pour faire progresser les droits des femmes de manière inédite. Le Fonds Égalité était désormais prêt à passer à l'action. C’était l’occasion pour nous de tirer parti d’une ouverture philanthropique et politique au Canada, de créer un fonds mondial pour les femmes et, surtout, de catalyser de nouvelles ressources abondantes pour les mouvements féministes partout dans le monde.
MAIS le temps pressait. Nous n’avions que 8 mois pour préparer la proposition. Et la concurrence était féroce : Nous étions en compétition avec quelques-unes des institutions internationales les plus établies au monde. Qu'est-ce qui rendrait notre proposition unique ?
Avant de commencer, une petite remarque. Tout au long de ce podcast, vous entendrez différent·e·s intervenant·e·s. Nous les identifierons par leur nom afin que vous sachiez toujours la personne qui intervient.
Commençons par Theo Sowa, coprésidente du conseil d’administration du Fonds Égalité. Ancienne directrice générale du Fonds de développement pour les femmes africaines, Theo est une penseuse, une leader et une bâtisseuse féministe de renommée mondiale qui a compris comment l’investissement pouvait enfin remédier au manque de financement des organisations de défense des droits des femmes et d’autres mouvements de justice sociale.
Comme le rappelle Theo Sowa : « Pour de nombreuses féministes africaines avec lesquelles je travaillais, l’une des choses les plus importantes que nous constations était le manque de ressources.
En même temps, nous essayions de travailler avec une série de bailleurs de fonds et de donateur·rice·s, dont beaucoup avaient de bonnes intentions, mais dont les méthodes de financement finissaient par mettre les mouvements en concurrence les uns avec les autres. Nous observions l'argent éroder le cœur même des mouvements que nous voulions voir se développer.
Il devenait de plus en plus évident que tant que nous n’aurions pas un financement plus constant, autonome, à long terme fiable – sans avoir à surmonter une multitude d'obstacles – nous continuerions à avancer péniblement. », dit-elle.
« Un financement assez flexible pour répondre aux problèmes sur le terrain, en temps réel. » Ajoute Jess Tomlin Un financement suffisamment important pour correspondre à l’ampleur de nos rêves. Un financement capable de protéger les personnes vulnérables contre de futurs préjudices.
Dès le départ, un élément clé a démarqué le modèle du Fonds égalité des autres : notre branche d’investissement. Cette innovation nous permettrait d’assurer la durabilité du Fonds à l’avenir.
Voici Theo Sowa.
Theo Sowa : La vision était que, grâce à des investissements bien réalisés, nous pourrions utiliser les intérêts générés par ces investissements pour garantir un financement constant, autonome et durable.
Jess Tomlin ajoute : ce qui différencie le Fonds Égalité, c'est le portefeuille d’investissement.
Ilse Treurnicht, présidente de notre comité d’investissement au Fonds Égalité, en parle tout le temps : malgré les centaines de milliards de dollars en circulation dans le monde, très peu passent réellement par la philanthropie. La majorité de cet argent circule à travers les investissements. La vision du Fonds Égalité était donc d’utiliser cet argent à bon escient...
Avant d’aller plus loin, abordons un sujet délicat. Pour la plupart des activistes féministes, les marchés et les investissements sont rarement vus comme des solutions ; ils sont souvent perçus comme une partie du problème. Et à juste titre. Le système financier mondial est gravement profondément - il est largement perçu comme perpétuant des formes de capitalisme nuisibles qui ne font qu’accroître l’inégalité et l’injustice… que notre travail cherche à transformer. Le défi était clair : Réorienter de façon durable les ressources, le pouvoir – y compris la manière dont le capital est investi – était essentiel.
Vini Bhansali a mené des discussions avec des activistes des pays du Sud pour recueillir leurs attentes concernant ce que le Fonds Égalité pourrait apporter aux mouvements féministes. Elle a tiré parti de sa riche expérience avec les bailleurs de fonds pour diriger les ressources vers les mouvements de première ligne en faveur de la justice raciale, de genre et climatique.
Comme le rappelle Vini, l’une des principales sources de friction concernait les investissements.
Il y avait beaucoup de doutes quant à la capacité du capitalisme à résoudre les problèmes féministes. Il y avait un réel contraste entre le souhait de faire croître ce fonds en investissant dans les marchés publics et la prise de conscience que ces mêmes marchés ont causé beaucoup de tort.
Jess Tomlin ajoute : Notre programme d’investissement vise essentiellement à transformer la manière dont l’écosystème financier sert les gens et la planète. Il soutiendra le changement - en permettant de financer nos subventions - et stimulera le changement - en influençant l’écosystème financier - simultanément. Souvent, les fondations disposent de dotations qui sont investies sur les marchés. De nombreuses stratégies d'investissement visent à ne pas causer de tort ou à atténuer les dommages d'une manière ou d'une autre. Mais au Fonds pour l'égalité, nous voulons explorer la possibilité de créer des résultats positifs et d'encourager les investissements en adoptant une perspective de genre. Des investissements qui seront à la fois profitables aux résultats et porteurs de changement.
La clé de tout cela est l’investissement axé sur le genre. Développé parde nombreux économistes et investisseur·euse·s féministes formidables, dont la regrettée et légendaire Suzanne Biegel, investissement axé sur le genre repose sur l’idée que les investissements devraient être ancrés dans les valeurs de l’égalité des genres car cela favorise à la fois les profits et les personnes.
Comme le souligne Theo Sowa, la branche investissement du Fonds égalité est vraiment importante. Je pense qu’en tant que personnes ayant travaillé avec l’argent et les mouvements et issues de fonds pour les femmes, il est parfois trop tentant de se contenter des subventions et d’octroi de subventions. Je pense que les subventions sont extrêmement importantes.
Mais elles ne suffisent pas. Nous parlons de petites sommes d’argent souvent sous le contrôle d’autres personnes. Et si l’on ne fait pas attention à la manière dont nous négocions, ce contrôle peut finir par influencer le travail que nous cherchons à accomplir.
Jess Tomlin fait remarquer que, comme le reconnaîtront de nombreux·euse·s innovateur·rice·s sociaux·les, les fonds publics représentent à la fois une énorme opportunité et un véritable défi. L’ampleur du financement est à la fois durable et significative mais les conditions qui y sont rattachées le sont tout autant. Si vous n’êtes pas vigilant, vous risquez de mettre en péril votre mission. À MATCH, nous avons déjà appris cette leçon une fois.
Voici Mebrat Beyene, coprésidente du conseil d’administration du Fonds Égalité, que vous avez également entendue dans le premier épisode. Elle explique les risques et les préoccupations liés aux sources de financement, y compris le gouvernement.
Il y aurait toujours des inquiétudes à collaborer avec un organisme fédéral, car ses exigences en matière de responsabilité peuvent ne pas correspondre aux besoins des féministes et des communautés.
Vini Bhansali ajoute : Vous savez, je crois que les mouvements des pays du Sud ont souvent vécu des situations où leurs voix, leurs perspectives et leur sagesse n’étaient pas prises en compte dans les processus décisionnels concernant l’allocation des ressources philanthropiques pour leur travail. Ils ont souvent le sentiment que les décisions sont prises pour eux, en leur nom...
Theo Sowa remarque : Il s'agissait alors de savoir comment investir sans porter atteinte aux droits des femmes. Comment investir de manière à promouvoir l’égalité des genres, l’égalité raciale, toutes les qualités que nous voulons voir dans le monde ? Comment investir dans les femmes de différentes manières afin qu’elles puissent réaliser tout leur potentiel ?
Vini Bhansali se souvient : « C’était extrêmement puissant d’une part, que la question soient simplement posées aux leaders. » Et ensuite, d’avoir un rôle à jouer dans la conception du fonds.
Lorsque nous écoutons vraiment les personnes qui sont en première ligne de nos mouvements et qui essaient de trouver des solutions dans des circonstances et des conditions très difficiles, leur clarté et leur courage sont remarquables.
En repensant à cette période, Mebrat Beyene souligne : « Ce qui m'a le plus impressionnée, c’est qu’il existe une autre façon de travailler avec les communautés, une autre façon d’exploiter les ressources, une autre façon de travailler avec le gouvernement, et qu’il est audacieux, et je dirais même adéquatement audacieux, de demander à ces organismes de rendre des comptes avec des ressources et des fonds réels et substantiels. »
Elle ajoute : Ce qui était passionnant, c’était de pouvoir montrer que c’était un modèle que d’autres bailleurs de fonds, des gouvernements, des donateur·rice·s individuel·le·s, la communauté philanthropique pourraient adopter. Et je sais que, même à l’époque, cela a poussé les gens à réévaluer leur compréhension de la philanthropie basée sur la communauté et sur la confiance, ainsi que de l'octroi de subventions fondé sur la confiance. Au niveau fédéral également, le gouvernement canadien a été poussé à expérimenter ce modèle et à travailler avec les communautés de façon innovante et différente.
Theo Sowa : Je ne suis pas naïve. Nous n’allons pas changer l’ensemble du secteur d’investissement. Il existera toujours des aspects de l'industrie des investissements qui sont activement nuisibles.
Mais si nous pouvons vraiment collaborer avec les gens pour obtenir des résultats différents, j'aime à penser que nous investissons dans les femmes de manière globale, non seulement pour modifier les rapports de pouvoir, mais aussi pour influencer les déséquilibres de pouvoir dans certains des régions les plus inégales de notre monde. Et ça, c’est essentiel.
C’est de l’argent.
Lorsque l’on pense aux sommes investies et la manière dont une grande partie de cet argent porte atteinte aux droits des femmes, on se dit que si l’on parvenait à faire changer les choses, ne serait-ce que de quelques points de pourcentage, on amènerait les investisseurs à réfléchir différemment, à se demander à qui appartiennent ces actifs, qui dirige la production, et de quelle manière les investissements sont réalisés de manière équitable, juste et égale.
Si nous parvenions réellement à amener l'industrie à adopter une nouvelle approche de l'investissement, et à investir de manière équitable, nous parlerions de milliers de milliards de dollars. Il s’agirait d’une somme d’argent bien supérieure à celle que nous pourrions obtenir avec des subventions, précise-t-elle.
Écoutez à présent la formidable Jess Houssain. Cofondatrice du Fonds Égalité, elle en a été la codirectrice générale avec Jess Tomlin jusqu’à la fin de l’année 2023, date à laquelle elle s’est lancée dans de nouvelles aventures.
Au moment où le Fonds Égalité élaborait sa proposition, nous avons eu la chance d’entrer en contact avec Sophie Gupta, directrice et chef de l’investissement responsable chez Yaletown Partners. Elle est actuellement membre du conseil d’administration du Fonds Égalité et a joué un rôle déterminant en nous montrant comment d’autres formes de capital pourraient alimenter notre modèle financier. Elle nous a tout expliqué - et nous a montré comment un investissement ciblé pouvait réellement offrir la possibilité de financer les droits des femmes à grande échelle.
Comme le rappelle Jess Houssian : Nous ne serions pas là où nous sommes sans Sophie. Il n’y a aucun doute à ce sujet. L'une des parties les plus intéressantes du Fonds Égalité à l'époque, c'était je crois, l'idée de réunir sous le même toit, pour les femmes, les filles et les personnes non binaires, des capitaux d’investissement et des fonds caritatifs, ainsi que des subventions féministes. Et c’est Sophie qui a dirigé cette initiative.
Je veux dire, on ne savait même pas ce qu’était une action. Ou ce que signifiait exactement le terme capital. Sa vaste expérience et sa compréhension du monde de l’investissement, son féminisme personnel, sa philanthropie personnelle et son engagement en faveur de l’égalité des genres, tant au Canada qu'à l’échelle mondiale, ont été, je crois, tout à fait essentiels et nous ont mis sur la voie.
C'est formidable qu'elle soit désormais membre du conseil d’administration, car elle garde en mémoire les débuts de l'organisation. Nous faisons régulièrement appel à sa vision en matière d'investissement pour veiller à ce que nous restions fidèles à notre projet initial.
Poursuivant ses propos, elle dit : Au début, j’ai eu l’impression que demander à tous ces partenaires de se joindre à nous, c’est comme si nous leur demandions un service. C’était une erreur, car je pense que pour chaque partenaire, nous nous sommes dit, voilà notre projet. C'est notre vision. Il faut gagner. Nous sommes dans une bataille et nous avons besoin de votre aide. Et s’il vous plaît, aidez-nous, parce que c’est vraiment important.
Et ce n'est pas ce dont il s’agissait. Il ne s’agit pas de « pouvez-vous nous donner de l’argent s'il vous plaît parce que nous sommes sur le point de faire quelque chose d’extraordinaire ». C'est plutôt : « Voulez-vous participer à quelque chose d’absolument grandiose... pour vous ? »
Nous vous le recommandons, faites partie de ce projet parce qu’il sera utile à votre leadership, à votre organisation, à l’histoire. Nous vous recommandons d’y prendre part.
C’est une chose que je souhaiterais avoir faite différemment dès le départ. Je percevais les choses autrement, j’ai souvent eu l’impression que nous demandions des services or ce que nous faisions invitait plutôt les gens à participer à quelque chose de magnifique.
Au fil du temps, Jess Tomlin s’est rappelé que si le Fonds Égalité était couronné de succès, le Gender Funder CoLab, ce collectif d’acteur·rice·s philanthropiques, allait mettre de l’argent sur la table.
Leur leader, Keely Tongate, est venue à Ottawa dans le cadre de cette présentation. Nous étions nerveuses et considérées comme des outsiders. Il est tout à fait clair que c’était le cas car cela n'avait jamais été fait auparavant.
Et le Gender Funder CoLab représentait une possibilité vraiment intéressante parce qu’il mettait de l’argent sur la table au nom de la philanthropie.
Comme le souligne Jess, ils ont offert une garantie philanthropique de 25 millions de dollars. Le gouvernement s'est montré très intéressé et y a réagi en disant : « Waouh, c’est formidable ! ». Dans quelle mesure travaillerez-vous en partenariat avec quiconque remportera l’appel d’offres ?
Et Keeley, au nom de ce groupe, a dit : « Non, nous sommes ici parce que nous pensons que le Fonds Égalité représente une idée transformatrice. Et je pense que si nous sommes ici aujourd’hui, c’est parce que les personnes impliquées dans le Fonds Égalité depuis le début se sont montrées déterminées à faire avancer les choses.
Nous entendons maintenant Keely Tongate, codirectrice du Gender Funders CoLab, dont l’investissement et l’influence précoce - se sont avérés essentiels pour la réussite de notre proposition.
Nous avions le soutien de ce réseau de bailleurs de fonds qui à l’époque, ont versé plus de 250 millions de dollars, je crois. Ils ont vraiment investi de manière significative et étaient enthousiastes et voulaient que CoLab joue un rôle dans l’histoire du Fonds Égalité. Ils croyaient fermement au potentiel de faire les choses différemment, en cherchant à mobiliser des ressources provenant de divers secteurs de l'écosystème, tels que les gouvernements, mais surtout dans le domaine de l'investissement, qui était encore largement inexploité. Je pense que ce qui a attiré mon attention, c'est ce niveau de créativité qui permet de ne pas se contenter de toujours faire les choses de la même manière. Au même moment, le CoLab avait lancé un fonds commun pour soutenir les mouvements féministes, afin de mutualiser et de regrouper leurs ressources dans le but d’accéder à ces plus grandes subventions bilatérales. Et voilà qu’un fonds féministe se présentait en disant : nous avons une autre vision pour y parvenir. Une vision qui prend en compte l'aspect investissement, l'octroi de subventions féministes, et le rôle que peuvent jouer les gouvernements et la philanthropie privée pour initier une telle démarche.
Poursuivant ses propos, Keely dit : Je pense que les membres du CoLab étaient vraiment enthousiastes et motivés par... à ce moment-là, il semblait vraiment que les gouvernements constituaient un lieu stratégique pour nouer des relations, essayer de comprendre leur façon de travailler et saisir la valeur ajoutée unique que la philanthropie pouvait offrir, car la philanthropie est plus flexible.
Il s’agit donc d'établir des relations entre les différent·e·s acteur·rice·s et de réfléchir de manière stratégique à comment optimiser ces collaborations pour le bien du secteur.
Keely n’était pas la seule. Manisha Mehta dirige la programmation pour la promotion de la justice des genres au Wellspring Philanthropic Fund, un membre clé du CoLab et l’un des alliés les plus importants de notre parcours. Wellspring est devenu notre premier partenaire institutionnel américain et son investissement a constitué un financement de départ crucial qui a attiré d’autres bailleurs de fonds. Manisha a présidé le GFCL pendant ces années cruciales, alors que le Fonds Égalité prenait forme.
Comme le rappelle Manisha : « Lorsque l’idée d’un nouveau fonds mondial pour les femmes nous a été proposée, nous avons voulu soutenir le fonds pour plusieurs raisons, car nous savions que si l’idée prenait forme, nous serions en mesure de soutenir un travail à grande échelle, de soutenir l’organisation féministe et la mise en place de mouvements dans toute une série de domaines - la violence basée sur le genre, la justice climatique et raciale, la santé et les droits en matière de santé sexuelle et procréative, pour n’en citer que quelques-uns.
Nous avons également estimé que le Fonds Égalité, en raison de sa portée mondiale, pouvait servir de connecteur, de lien et de rassembleur pour les secteurs et les mouvements.
Dans une certaine mesure, il s’agissait d’une proposition risquée pour nous. L’idée était ambitieuse et vraiment nouvelle, et elle soulevait de nombreuses questions. Par exemple, le gouvernement canadien serait-il prêt à faire les choses d’une manière féministe ou devrions-nous faire des compromis à un point tel que cela n’aurait pas de sens ? Les organisations de la société civile et les activistes seraient-iels prêt.e.s à faire des compromis pour que les défenseur·e·s au sein du gouvernement canadien puissent obtenir ce dont iels ont besoin pour défendre ce type de fonds ?
Elle ajoute : En cas d’échec, qu’est-ce que les gens retiendraient comme message sur les droits des femmes et le travail de justice de genre, et sur notre capacité à travailler ensemble avec des partenaires très différents.
Mais nous savions aussi que si c’était un succès, ce serait remarquable et que cela enverrait un message au monde entier. Il s’agirait d’une ressource évolutive et résistante pour les mouvements. Cela remettrait en question les conceptions de l’organisation féministe qui ont empêché les ressources de parvenir au travail sur le terrain.
Cela remettrait en question l’idée que différents bailleurs de fonds ne peuvent pas travailler ensemble.
Et pour nous et pour les autres donateur·rice·s, cela nous permettrait vraiment de tirer parti de notre financement et d'apprendre collectivement afin de garantir un plus grand impact pour les droits des femmes et la justice de genre.
Jess Tomlin se souvient du jour de l’annonce
Le grand moment était enfin arrivé. Huit mois de collaboration intense et de suspense haletant étaient derrière nous.
En ce jour d’été 2019 à Vancouver, au Canada, des féministes du monde entier s’étaient réuni·e·s à l’occasion de Women Deliver, une conférence mondiale sur la santé des femmes et l’égalité. Iels attendaient une grande annonce. Notre annonce.
Alignées en tant que femmes, nous avons pris une profonde respiration, nous sommes monté sur scène, et avons annoncé la nouvelle. Le Fonds Égalité a remporté l’appel d’offres. Les 300 millions de dollars seraient entièrement alloués au fonds que nous avions mis tant d'efforts à créer.
Keely Tongate s’en souvient bien.
J’étais présente, tout comme la plupart des membres de notre réseau. Nous avons pris tout cela tellement au sérieux que nous avons organisé une réunion pour nos membres, tout au long de la conférence Women Deliver, qui a eu lieu juste après, à la Gates Foundation, dans la ville de Seattle. Nous étions là et nous étions si heureuses, vraiment incroyablement heureuses. Dans notre secteur, les victoires ne sont pas toujours fréquentes, et celle-ci nous a paru profondément significative, belle, communautaire, et pleine de grandeur. Je pense que le Fonds pour l'égalité fait un travail vraiment remarquable pour rassembler les gens.
Il me semble que nous avons ressenti profondément que nous faisions partie du processus et que nous faisions partie de la victoire et, à partir de là, de la création et de tout ce qui s’est ensuivi.
Maryam Monsef, la ministre canadienne du développement international et des femmes et de l’égalité des genres de l’époque, était également présente et a prononcé un discours depuis la scène
Aujourd’hui, nous avons accompli quelque chose d’incroyable. Le Canada est en train de revoir la façon dont il investit dans les organisations et les mouvements de femmes, ici au Canada et dans le monde entier. Et nous sommes uni·e·s dans cette salle par la conviction que l’égalité des genres est une bonne chose pour tout le monde. L’égalité des genres est la meilleure chose à faire. C’est une question de justice. C’est ce que nos mères et nos grands-mères, et celles qui les ont précédées, réclament depuis longtemps. C’est aussi le choix le plus judicieux, comme l’a dit le Premier ministre : l'égalité des genres est bonne pour l’économie. Ici, au Canada, lorsque nous augmentons la participation des femmes à notre économie, nous bénéficions de 150 milliards de dollars au cours de la prochaine décennie. Sur le plan mondial, il s’agit d’une économie de 12 000 milliards de dollars. L’égalité des genres profite à tout le monde. Le fait que des gouvernements et des premiers ministres affirment fièrement qu'ils sont féministes aujourd'hui est le résultat d'un mouvement qui a travaillé sans relâche pour nous amener à ce moment. Nous faisons tous·te·s partie de ce mouvement. Un mouvement qui existait bien avant nous, et qui se poursuivra bien longtemps après nous. Tout au long de l’histoire, les organisations de femmes se sont retrouvées en première ligne du mouvement des femmes, impulsant le changement pour bâtir un monde meilleur pour toutes et tous.
Theo Sowa se rappelle ce qu’elle ressentait ce jour-là.
Avant cette annonce à Vancouver, une grande partie de mon anxiété avait en fait disparu. Je sais que cela peut paraître étrange, mais nous avions travaillé si dur. Nous avions parlé à tant de personnes. Nous avions fait tant d’efforts en matière de plaidoyer.
Et j’avais presque l’impression qu’au moment où la décision était prise, si elle n’était pas en notre faveur, nous n’aurions pas pu faire plus en termes de consultation, de pression, de vision, de planification.
Nous avons vraiment eu l’impression que si la décision n’avait pas été prise en notre faveur, nous n'aurions pas perdu en soi. Parce que le travail que nous avions accompli pour y arriver était un travail qui ne serait jamais oublié. C’est un travail qui nous mènerait à d’autres solutions si cette solution ne se concrétisait pas dans l’immédiat.
L’une des choses que j’ai le plus aimé, c’est que lorsque nous discutions du Fonds Égalité, nous collaborions également avec d’autres féministes canadiennes.
Le fait que l’annonce ne concernait pas uniquement le Fonds égalité signifiait que nous avions été en mesure de faire exactement ce que les activistes féministes veulent faire, à savoir collaborer plutôt que rivaliser. C’était très important pour moi.
Ce jour-là, lors de la conférence « Women Deliver », une présentatrice a nommé les nombreuses organisations rassemblées sur la scène :
La Fondation canadienne des femmes, Grands Défis Canada, MATCH International Women's Fund, Toronto Foundation, le Fonds de développement des femmes africaines, RBC Capital Market, Fondations communautaires du Canada, Philanthropy Advancing Women's Human Rights, également connu sous le nom de PAWHR...
Theo Sowa se souvient : « J’ai eu l’impression que nous avions toutes gagné : Nous toutes, tous les féministes, tous les fonds pour les femmes, tous et toutes les activistes sociaux. Et je pense que c'est ce qui a été le plus intéressant, le fait que nous ayons pu montrer que la coopération et la collaboration portent des fruits.
Voix off : Dans le prochain épisode...
Nicky McIntyre se rappelle : Il s’agissait de l'occasion de rassembler les engagements des donateur·rice·s gouvernementaux, des institutions financières, des fondations publiques et privées, dans le cadre de l’une des plus importantes injections de financement féministe au monde.
Nous savions qu’avec des ressources adéquates et durables, les organisations féministes pouvaienttransformer le monde.
Ceci était le deuxième épisode de notre série en trois parties intitulée Moonshot : La création du Fonds Égalité. Nous souhaitons prendre un moment pour nommer quelques membres du personnel de MATCH qui ont joué un rôle déterminant dans notre réussite : Amany, Bea, Beth, Dana, Sue, Bonnie et Ann Elisabeth. Et bien d’autres encore. Merci.
L'équipe qui a travaillé sur cette série est composée de Tatiana Buba, Sarah Matsushita, Catherine Hodgson, Nicole Fischer et Joe Voeller. La couverture a été réalisée par Kamo Frank.
La production et le mixage de ce podcast sont assurés par Katie Jensen à Vocal Fry Studios.
Merci d’avoir écouté ce podcast.